Henri Farid Debs naquit le 24 novembre 1932 à Pointe-à-Pitre en Guadeloupe.
Originaire d’une famille très modeste, son père Farid Debs et sa mère Julia eurent un second fils, Jean, né en 1935. Suite à la mort de son épouse la même année, Farid épousa en secondes noces Manouche dont il eut six enfants : Liliane, Raymonde, Claude, Georges, Eva et Philippe. C’est Manouche qui éleva Henri et Jean comme ses propres enfants, alors qu’ils n’étaient respectivement âgés que de 3 ans et 5 mois à la mort de leur mère.
À l’âge de 14 ans, aîné d’une fratrie de huit enfants, Henri se vit contraint d’arrêter l’école afin de travailler pour subvenir aux besoins de sa famille. Il fut alors embauché comme « garçon de magasin » chez son parrain Mr Mansour où il passait le balai aux heures d’ouverture et de fermeture du magasin. Mué par une vive ambition et une impétuosité précoce, Henri décida de se mettre à son compte et devint marchand ambulant dans les rues de Pointe-à-Pitre en 1952.
Dès son plus jeune âge, Henri vouait déjà une cuisante passion à la musique et ses sonorités variées qu’il prenait plaisir à écouter et jouer avec ses amis du quartier.
Autodidacte, il commença par le saxophone puis poursuivit par l’apprentissage de la guitare et de la contrebasse. Doué et habité d’une âme artistique naturelle, il intégra très vite le meilleur orchestre du moment, El Calderon jazz de Brunel Averne, puis l’orchestre Esperanza.
Durant plusieurs années, Henri Debs se produisit sur les plus belles scènes de l’archipel guadeloupéen et sa renommée connut une ascension fulgurante.

En 1958, la prospérité de ses activités professionnelles lui permit d’ouvrir son propre magasin de vêtements à la Maison Eraville, au 20 rue Lamartine. Mais, voué indéniablement à l’exercice de la musique, il installa un petit studio d’enregistrement à l’arrière-boutique. C’est ainsi que les prémisses du label Disques Debs virent le jour au travers du premier 45 tours, « Pain, boudin et limonade » qui fut pressé sous la marque Socodisc en 1959.

Puis, ce sont ses amis d’enfance et du quartier qu’il commença à enregistrer : Manuela Pioche, Al Lirvat, Paul Blamard, Edouard Benoît, Daniel Gargar, Emilien Antile, Robert Sarkis, Gérard Laviny et tant d’autres…faisaient vrombir de leurs voix et instruments les murs de ce studio de besogne.

Sa passion criarde pour la musique et la fureur de ses succès poussèrent alors Henri Debs à ouvrir son premier magasin de musique en 1960 au 43 rue Frébault à Pointe-à-Pitre. Ce fut, dès lors, l’éclosion véritable de la production Debs et les enregistrements se succédaient régulièrement.
Ainsi, en 1965, Henri concourut à l’ouverture du magasin de musique de son frère Georges à Fort-de-France en Martinique, lui léguant la marchandise de sa propre production.

Plus tard en 1968, Henri Debs créa son propre groupe, Henri Debs et son combo avec lequel il se produisait dans les boîtes de nuit du Gosier et de la Riviera jusqu’au jour où il créa sa boîte de nuit, le Club 97-1. C’était le lieu en vogue de l’époque, il y jouait avec son groupe à guichets fermés tous les samedis et veilles de jours fériés.
C’est à l’étage de cette boîte de nuit qu’il créa son premier studio d’enregistrement professionnel, « La Terreur » en 1969.

Une année plus tard, Henri Debs inaugura au 116 rue Frébault son second magasin de musique où les passionnés se procuraient instruments, matériels et vinyles des illustres artistes de sa production: Lola Martin, André Condouant, La Perfecta, Expérience 7, Typical Combo, Les Aiglons, Serge Christophe, Alain Jean-Marie et bien d’autres encore.
À cette même époque, Henri Debs enrôla le benjamin de la fratrie Philippe Debs, dans son aventure musicale tant au sein de ses magasins que dans l’antre du studio.
Outre cette fraternité, éclot une collaboration ténue qui perdura toutes les années qui suivirent.

En 1968, alors qu’il se produisait un soir dans son club, Henri Debs rencontra Rose-Marie Sarkis. Admirative de l’artiste, elle tomba sous le charme de l’homme. Véritable coup de foudre mutuel, c’est le 3 mars 1973 qu’ils se marièrent à Paris en toute intimité. De cet amour aguerri, naquit leur fils Henri surnommé “Riko”. Au fil des années, Rose-Marie devint la personnalité incontournable de l’entreprise familiale par son implication de l’élaboration à la mise en vente des disques. Aimée et respectée de tous, elle devint l’ante de son époux et contribua vastement à l’élévation éclairée de la production Debs.

En 1973, Henri Debs contribua à l’ouverture d’un second magasin de disques en Martinique régi par son frère cadet Jean Debs, lui garantissant toute la marchandise musicale seyante. Six ans plus tard, Jean ouvrit son magasin Debs music à Paris et devint jusqu’à ce jour le distributeur officiel de la production Debs pour les territoires d’Europe et d’Afrique.

L’année 1980 marque le début de la collaboration la plus fructueuse de la carrière de chanteur d’Henri Debs par l’enregistrement de son premier album avec Mr Max Séverin dit « Maxo ».
De ce duo enjoué qui devint très vite incontournable, naquit une complicité fraternelle au-delà des frontières musciales et germèrent 15 albums Max et Henri dont une pluie de mélopées désormais populaires : « Nou ka pati an bodé », « Dansez avec les Antilles », « An ké bo’w la », « Je reviendrai toujours », « A wi sa byen bon », « Sa yo vlé vwè la péké rivé »…

En 1982, la production Disques Debs International était au paroxysme de son affairement à travers un essaim de productions nationales et internationales que ce soit dans les Caraïbes, en Amérique du sud, en Europe et en Afrique, sous l’égide d’artistes tels que Zouk Machine, Malavoi, Max Séverin, Francky Vincent, Tanya St-Val, Eric Brouta, Georges, Plonquitte, Luc Léandry…
Le succès efficient, il annexa son studio d’enregistrement du Gosier au 27 rue Frébault à Pointe-Pitre bénéficiant d’un espace plus vaste au plus près de sa famille. Il y investit des moyens colossaux, entouré d’une équipe d’ingénieurs spécialisés Mr Bob KATZ et son staff, venus spécialement des Etats-Unis ; afin d’exhausser sa qualité de production, hissant ainsi sa structure au rang de premier grand studio d’enregistrement professionnel des Antilles Françaises équipé d’une « console SSL 4000G », résolument avant-gardiste.

Dix ans plus tard, puisque l’engouement se galvanisait, Henri Debs inaugura un second studio d’enregistrement au-dessus du premier, pourvu d’un matériel haut de gamme révolutionnaire sur le marché.

C’est en 1990, qu’ Henri Debs connut la consécration de sa carrière de producteur : l’album Maldon de son groupe « Zouk Machine » fut couronné d’un disque de platine pour plus de 300 000 disques écoulés.
Quelques années plus tard, à l’aéroport Pôle Caraïbes nouvellement inauguré en 1996, il ouvrit un troisième magasin de disques dont les rayons regorgeaient des productions des zoukeurs florissants : David et Corinne, Tatiana Miath, Claude Fostin, Jérôme, Mario Chicot, Philippe Dilo, On dot Kouchen’n, Love Stars, Metiss…

Parce qu’Henri Debs avait en lui le sens de la transmission et de l’héritage immémorial, il inocula à son fils sa passion pour la musique et subventionna l’ouverture de son label « Riko Rekords » en 1998. Si celui-ci retentissait pourtant de sonorités urbaines, Henri Debs, par ses connaissances musicales éparses et son génie inné, contribua à l’édification et au mixage de nombreux albums de la production « Riko Rekords ».

En 2000, Henri Debs procéda à l’ouverture d’un quatrième magasin de disques au centre commercial Milénis, à l’heure où les artistes de sa production se nommaient entre autres Eric Farescour, Christian Nara, Rudy Brada, Robert Martino, Jeff Joseph, Jean-Jacques Gaston.
À cette période, les difficultés mondiales liées à la vente physique des disques accrurent et Henri Debs fut contraint de mettre en vente son second studio d’enregistrement en 2008 et fermer son magasin situé au centre commercial Milénis trois ans plus tard.
Toutefois, soucieux de parfaire la qualité de ses enregistrements et de moderniser sa structure, il se mit à l’ère numérique en investissant dans la console dernier cri « SSL-DUALITY SE ».

Ce fut au cours de cette décade qu’Henri Debs subit le drame le plus douloureux de sa vie : la disparition de son épouse Rose-Marie en 2009.
Il rebaptisa son studio d’enregistrement situé au 27 rue Frébault, « Studio Rose-Marie » en mémoire de sa bien-aimée.

Henri Debs était avant tout un chanteur, interprète, artiste connu et reconnu pour la pléiade de tubes dont fourmillait la cinquantaine d’albums qu’il fit paraître à titre personnel tout au long de sa carrière. « Titan la », « Tu as calé le moteur », « Tout lannuit mwen chèché », « Babich an mwen », « Dankit ou bokit », « Je reviens vers toi Seigneur », « Asi plaj la », « Jalousi ka palé » et bien d’autres résonnent encore aujourd’hui.
Nombreux furent les artistes renommés qui participèrent à des compilations et interprétèrent des titres d’Henri Debs : Patrick St Eloi, Yannick Cabrion, Ralph Tamar, Paulo Albin, Marius Priam, Pascal Vallot, Medhy Custos, Mario Canonge, Dominique Bérose, Emmanuel Toussaint, Rodrigue Marcel, Pipo Gertrude, Gilles Floro, Paquito D’Riviera, Willy Salzedo, Mauricio Schmitt, Emile Volel, Willy Blonbou…

Henri Debs est aussi l’un des rares producteurs à avoir connu tous les supports d’enregistrement en studio : du magnétophone deux pistes aux consoles analogiques et digitales. De plus, il sut s’adapter à l’évolution de l’industrie musicale des vinyles, K7, CD, aux contenus numériques et produisit les plus éminents artistes caribéens.
Il fut le premier auteur, compositeur, interprète, multi-instrumentiste, ingénieur du son, producteur, distributeur, éditeur musical et disquaire aux Antilles, offrant la meilleure qualité de résonnance à la musique Guadeloupéenne - y compris celles de la Martinique, de la Dominique et d’Haïti.
La production d’Henri Debs représente 460/33 tours, 396/45 tours et 310 cds, soit plus de 6000 titres. C’est le catalogue le plus dense de toutes les productions musicales de la Caraïbe confondues.
De cette immense carrière musicale faite de rencontres prestigieuses, d’anecdotes détonantes, d’instants photographiés mais aussi de moments de simplicité et d’échanges entre passionnés souvent devenus amis, Henri Debs décida d’en retracer les méandres et de livrer ses derniers mots dans son ouvrage Mémoire et vérités sur la musique aux Antilles paru en 2012.

Malgré les nombreuses embûches rencontrées et les invectives subies notamment par une minorité de détracteurs qui remettait en cause sa légitimité à produire la musique culturelle de la Guadeloupe du fait de ses origines libanaises, il incarna toujours le fer de lance de la défense du patrimoine culturel local et se considérait « Guadeloupéen à 100%, d’origine libanaise et de nationalité française ».
Henri Debs était un travailleur acharné, soucieux de livrer le meilleur de lui-même et de chacun de ses artistes. Sensible au détail de la moindre sonorité, Il était en constante recherche de la perfection et de la qualité accomplie, même pendant ses plus grandes heures de gloire, en témoigne son slogan « A KA DEBS, MIZIK LA TOUJOU PLI BEL ».
Ce fut indéniablement la clé de son succès.

Au seuil de sa vie, bravant les nombreuses marches d’escalier le menant à son studio d’enregistrement, faisant fi de sa maladie et de la vieillesse qui l’accablaient, Henri Debs travaillait avec le même engouement, assis sur son fauteuil noir derrière sa console.
Habité d’une passion ineffable, illuminé d’un génie indicible, Henri Debs incarne le rêve de la réussite. Parti de rien, il construisit un empire musical patrimonial et culturel sans précédent qui aura laissé une empreinte impérissable dans le monde de la musique et même au-delà.

Henri Farid Debs est décédé le 19 août 2013 au CHU en Guadeloupe.
Sa disparition fut relayée par l’ensemble des organismes de presse écrite, télévisée et radiophonique au travers de portraits, de témoignages des proches et de diffusion de ses clips et tubes.

La classe politique locale, les médias, les artistes, ses amis et sa famille ainsi qu’une foule d’anonymes de plus de 7000 personnes lui rendirent un vibrant hommage à l’occasion de sa veillée organisée aux portes de son légendaire studio d’enregistrement.
Sa dépouille repose désormais aux côtés de celle de son épouse au cimetière de Pointe-à-Pitre.